La Rumba de Barcelona

Publié le par Tisto

Raymond Domenech me le disait hier encore sur Skype : "ça fait longtemps que ça n'a pas causé foot sur ton blog !". Il a pas tort, Raymond. Mais ça tombe bien, je vais vous dire, parce que je reviens de l'Irish Pub, qui en dépit de son nom banal à faire pleurer un korrigan, est un bar de qualité s'étant donné la vocation de diffuser l'intégrale de la Ligue des Champions version 2008-2009, dont la finale se déroulait comme vous le savez tous cet après-midi.(pour cause de décalage horaire bien sûr). Barça-Manchester, c'est le genre d'affiche à vous faire sortir de votre fauteuil pour aller regarder tout ça près d'un comptoir en beuglant avec des frères de maillot.

Je dois préciser également que, s'il est une chose que m'aura apporté cette année d'échange universitaire en Amérique du Sud, c'est bien la possibilité de suivre avec une réelle assiduité cette magnifique compétition qu'est la Ligue des Champions. C'est bien simple : hormis la phase de poules, j'ai visionné au moins deux matchs de chaque tour, des 8e de finale à la finale de tout à l'heure. Je n'avais jamais autant suivi une Ligue des Champions de toute ma vie, et c'est génial de s'y intéresser de A à Z ; plutôt que d'arriver à la bourre chez vos amis un mercredi soir de la fin du mois de mai, un pack de bières à la main, en demandant distraitement "y'a qui déjà dans cette finale ?", eh bien vous suivez la compétition comme une épopée, un récit épique qui ferait passer l'Odyssée d'Homère pour  du Oui-Oui. Vous vous faites vos coups de coeur, vos petits protégés, des ennemis héréditaires. Et je peux vous dire que quand est arrivée la finale, de longs mois de séances régulières à ce fameux Irish Pub en compagnie de mes petits camarades avaient fait de moi un connaisseur émérite des mérites et du parcours de chaque équipe, de leurs forces et faiblesses et de leur inconscient collectif. En un mot, j'étais devenu Dominique Grimaud (oui, l'horrible de 100% Foot sur M6), les cheveux filasses en moins. Je savais que cette année allait m'apporter du rêve. Mais passons aux choses sérieuses.





FC BARCELONE - MANCHESTER UTD

Conflit d'écoles


Sachant tout cela, vous pourriez vous imaginer que des aficionados comme nous se seraient installés une heure avant le début du coup d'envoi, pour se mettre dans l'ambiance et réserver des places près des bonnes télés dans le bar. Que nenni, même la Ligue des Champions ne peut supprimer le quart d'heure angevin, et c'est donc avec 20 bonnes minutes de retard que nous arrivons avec Simon dans un Irish Pub bondé. Evidemment fallait qu'il prenne sa douche à 10 minutes de partir pour le bar. Bref. Et si vous aussi avez suivi le match, vous savez que notre anxieux coup d'oeil au tableau d'affichage en arrivant fut l'occasion d'un bel ascenseur émotionnel : le Barça mène un à zéro ; c'est trop de la balle ; mais on a raté le but ! Nous nous installons sur les derniers tabourets restants avec d'autre copaings. Il s'agit de déterminer la composition des équipes. On sait d'ores et déjà que le génial Daniel Alves est suspendu pour un jaune de trop en demi-finales, et que Marquez et Milito sont out ; la défense de Barcelone sera donc une délicate affaire de colmatage. Et c'est en effet le cas :



FC BARCELONE                                                                               
Entraîneur : Josep Guardiola

                                             V. Valdés

Puyol                   Yaya Touré                         Piqué             Sylvinho


                                             Busquets

                                                                          Xavi
                         Iniesta


Messi                                                                                   Henry
                                               Eto'o
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                                           C. Ronaldo


Giggs                                                                                   Rooney

                  Anderson                                   J.S. Park


                                             Carrick


Evra                      Vidic                         Ferdinand               O'Shea


                                          Van der Sar

MANCHESTER UNITED                                                      Entraîneur : Alex Ferguson         



Malgré une improvisation forcée, donc, en défense, avec l'immense Carles Puyol exilé côté droit et Yaya Touré redescendu d'un cran, l'affaire a l'air de tenir la route. Effectivement, Barcelone domine les débats, et ce depuis leur but dès la 10e minute (Eto'o) dixit ceux qui sont arrivés à l'heure. Ca met de bonne humeur ; on commande une première mousse (elles se vendent seulement au litre en Argentine, je sais plus si je vous avais dit). Ca s'annonce bien, même si Pancho a décidé (par pur esprit de contradiction, ce garçon est puéril) de soutenir Manchester et son infâme Cristiano Ronaldo (celui qui joue High School Musical sur un terrain de foot). D'ailleurs il fait pas trop le malin. Le pub, malgré son nom et ses quelques clients anglophones, est lui largement acquis aux magiciens du Barça, et la bonne frappe de Messi à la 27e soulève des cris et des applaudissements. On sent que les joueurs de Barcelone en veulent, y'a du fighting spirit dans l'air. Ca tombe bien, nous aussi on en veut ! La première mi-temps se conclue par une impressionante séquence de dix minutes où Manchester touche à peine la balle ; ils ont l'air bien mal barrés et le Barça au contraire est un Barça des grands jours. L'arbitre siffle, toujours 1-0 et la bière est déjà vide (je précise qu'on la boit à plusieurs). Débriefing devant le bar pendant la pause clope, l'optimisme est largement de rigueur. Pancho persiste à faire le mariolle et annonce le réveil des mancuniens en deuxième période ; on ricane.

Au retour des vestiaires, petit évènement : visiblement préoccupé par son attaque (il est vrai bien inefficace), Sir Alex Ferguson décide de sortir Anderson (invisible) pour faire rentrer... Carlitooooos Téééévez !! Le bar salue évidemment la rentrée du compatriote lorsque sa grosse tronche de mule apparaît sur les écrans. J'ai une grande tendresse pour Carlitos. Il exhale évidemment une bêtise difficilement quantifiable, mais tu le sens tellement heureux avec son ballon que ça te met de bonne humeur ! Et le voilà donc qui rentre, un cran derrière Rooney et Ronaldo qui permutent en pointe. Le match reprend. Vague tentative des anglais pour reprendre les affaires en main, mais décidément leurs adversaires sont trop forts : 51e minute, notre Titi Henry national crochette dans la surface et frappe du gauche. Malheureusement, c'est trop mou et le grand Van der Sar s'en empare bien facilement. Autour de la table, on reconnaît que Titi n'est pas dans un grand soir, à moins que ce ne soit l'exceptionnel punch de Iniesta et Messi qui le fasse apparaître en retrait. Par contre, côté Manchester, on s'accorde sur le fait que "le Chinois c'est un des rares à surnager" - "Il est pas chinois Ji Sung Park, il est coréen" - "C'est pareil !". Le football, si vous ne le saviez pas déjà, a ceci de génial qu'il met en valeur ce que chacun a de plus beau en soi : chauvinisme, mauvaise foi, et autosatisfaction ignare. Deux minutes plus tard, Iniesta met une nouvelle fois la défense anglaise à l'amende, et les pousse à la faute : coup franc à 18 mètres, plein axe. Xavi, alias le Métronome Catalan, s'en charge ; une superbe frappe tendue qui vient malheureusement heurter le poteau gauche de Van der Sar, battu. Gémissements désespérés dans l'Irish Pub, mais la motivation des supporters est intacte ; on ne peut pas en dire autant des deux nouveaux litres d'Andes Roja commandés à la reprise.

Le Barça fonctionne comme une machinerie parfaitement huilée, c'en est si beau qu'on se rappelait même plus que le football ça pouvait être ça. Des accélérations sur les côtés (avec un Sylvinho en bonne forme), des dédoublements, du jeu à une touche de balle, c'est de l'odre de la démonstration. En défense, les rares zigwigwis tentés par l'horripilant Ronaldo sont mouchés par un Carles Puyol tout bonnement intestable, solide comme le roc sous sa crinière et son bourrelet sus-orbital proéminent. A tel point que ce salopard de Portugais en vient à devenir agressif, avec deux mauvais gestes en cinq minutes dont un méchant coup de coude. Puyol s'en fout, c'est pas un coup de coude de la part de ce semi-homme qui va le déraciner, mais c'est pour le principe. On se plaît à imaginer ce qui arriverait s'il lui rendait la pareil (les opinions sont partagées entre la tétraplégie et la rupture d'anévrisme). Henry, décidément pas en grande forme (mais de retour de blessure, il faut le signaler), tente une nouvelle frappe trop molle pour inquiéter le grand hollandais de Manchester dans ses cages. Mais peu importe, car à la 70e, la défense mancunienne est une nouvelle fois à la ramasse : Xavi prend tout son temps pour adresser une petite merveille de centre parfaitement travaillé qui atterrit sur la tête de Lionel Messi, lequel prend le gardien complètement à contre-pied. 2-0 : le bar tremble sur ses fondations.

Notons que le fait que Messi, 1m60 au garrot, ait pu placer une tête et marquer montre bien l'état de désarroi dans lequel se trouve la défense anglaise. Alex Ferguson commence à faire sacrément la tronche sur son banc de touche, alors que Guardiola, impérial avec sa barbe de trois jours et son costard black&white, continue à diriger ses troupes, imperturbable. Pendant les vingt dernières minutes, les barcelonais continuent de dérouler devant le public romain complètement acquis à leur cause (il faut dire que les 20 000 supporters catalans font un sacré bordel). Manchester n'y est plus, et Barcelone aurait même pu ajouter un troisième but sur ses occasions de fin de match. Chose incroyable : la montagne Puyol commence à s'autoriser des montées de latéral droit le long de la ligne de touche, à tel point que Ronaldo-tête-de-veau est à nouveau obligé de faire faute et se mange un jaune bien mérité. Ronaldo défendant dans son camp contre une offensive de Puyol, on me l'aurait annoncé avant le match je me serais bien marré. D'ailleurs Carles aurait même pu marquer après un énième service magitral d'Iniesta, mais le pauvre n'a pas vraiment l'instinct du goleador. On ne lui en veut pas. Les dernières minutes sont une formalité. Force est de constater que la rentrée de Tévez n'aura pas changé grand chose, pas plus que celle ultérieure de Berbatov, et encore moins celle de Scholes, rentré à la place d'un Ryan Giggs vieux et dépassé (c'est triste à dire car je l'aime beaucoup ce joueur).

Coup de sifflet final et euphorie dans le bar. Les anglophones déguerpissent vite fait, dégoûtés. On reste pour voir la remise de la coupe en achevant la Andes. Manchester défile d'abord pour récupérer la médaille des deuxièmes (aussi appelée "Médaille des Loosers"), et grande satisfaction : Ronaldo est récompensé de sa tête à claque et de son match navrant par les sifflets de tout le Stadio Olimpico quand il récupère sa médaille. "Bien fait pour sa gueule", comme disait Socrate.

Et puis c'est l'ascencion des dernières marches vers l'Eden du footballeur : les barcelonais, mes barelonais, que j'ai suivi avec enthousiasme depuis la tannée qu'ils ont collé à Lyon en 8èmes, arrivent pour serrer les paluches de la belle brochette de dignitaires qu'on leur présente : l'inévitable Platoche, mais aussi Juan Carlos I de Borbon y Borbon, Roi d'Espagne, et José Luis Zapatero, 1er ministre espagnol, visiblement ravis de se marrer un peu en allant au stade. Et enfin, lorsque tout le monde est monté sur le podium, l'inammovible guerrier-capitaine Carles Puyol soulève la coupe : musique à fond, confettis, hurlements du stade et applaudissements nourris parmi les clients de l'Irish Pub. C'a été un scénario idéal, la conclusion parfaite d'une Ligue des Champions qui aura définitivement très bien joué au ballon. Signalons au passage que le FC Barelone réalise un triplé historique championnat/coupe du Roi/Ligue des Champions, une performance qui selon l'avis expert de notre consultant Philippe Lucas "n'est pas un truc de tarlouze". A bon entendeur, salut.



                 
                                                
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M
Bon article, avec beaucoup d'enthousiasme et un jeu merveilleux!<br /> J'espère que vous pouvez partager beaucoup de matches de football, ce qui est un passe-temps pour les fans.
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V
Très beau résumé, magnifique. Ca sentait la sueur, la bière et les corps tout chauds de bonheur, on s'y croirai =D. <br /> <br /> <br /> <br /> PS : Comme il faut quand même que je me plaigne d'un truc, je le dis : Messi a évolué tout le match en pointe, et Eto'o à droite. Pardon, je pouvais pas m'en empêcher :)
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V
Bon moi comme tout le monde s'en doute je n'ai absolument pas suivi cette finale (non pas faute d'envie mais de travail, oui oui je me trouve des excuses pour m'éviter une lapidation) mais je tiens à dire qu'à la lecture de cette article j'ai quand même revu (dans ma tête en images souvenirs) l'Irish pub, les soirées PES, enfin bon tout ce qui à trait au foot et qui maintenant me fait franchement toujours penser à Mdz... Petite séquence souvenirs...<br /> Nos vemos!
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G
Cher JR, tu comprendras aisément que je veuille réagir à cet article, en tant qu'assimilé (par moi-même) socio du barca! J'ai bien entendu suivi avec une grande passion cette finale tant attendue, et je ne peux que me réjouir de cette victoire, même si Kéfou soutient qu'ils ne la méritent pas étant donné le "vol" de la demi-finale retour! Tu admettras comme moi que ce n'est qu'une manière pour lui de trouver une excuse à la défaite de MU! Je propose d'ailleurs la création d'une "Calle Andres Iniesta", tellement qu'il est fort, tellement qu'il a la classe, tellement c'est le nouveau Jésus! Bref, une petite discussion footballistique à tes côtés me ferait bien plaisir! See you soon. Jah will always rescue Messie (c'est pas moi qui le dit, c'est Groundation...) Bises
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