Barbaque, rouge et rock'n'roll

Publié le par Tisto

Hola todos,

 

En cette période de troubles, de rentrée et de début d’une 924ème Star Academy, voici les nouvelles de la semaine du côté de Mendoza. Je ne sais pas si ça vous aide, mais c’est toujours ça. Je préviens que tel que je me sens parti, cet article va être long, donc que ceux qui ont des trucs urgents à faire ou des plats sur le feu s’abstiennent. Pour les autres, allons-y avec le menu par ordre chronologique.

 

ASADO TE QUIERO

 

Ce n’est plus un scoop, mais ça me fait plaisir de le redire : je suis un fanatique fondamentaliste de l’asado, ce génial barbecue inventé par les non moins géniaux argentins. Vous allez me dire : « mais tu passes déjà à en bouffer du bœuf chez toi, pourquoi tu en remets une couche avec des asados ? ». Et là, je vous réponds : « Sots ! L’asado est au bœuf ce que Jean-François Copé est à l’hypocrisie, une sorte de seuil de la sublimation transcendantale à partir duquel la discipline entre dans le champ du surnaturel, du mystique, et de l’indépassable ». Et oui, manger son bœuf au grill dans sa petite cuisine, cela a son charme, mais c’est le tout-venant. L’asado, mes amis, c’est la meilleure manière de manger ce noble animal. Depuis la dernière fois, j’en ai fait encore deux, dans deux maisons différentes. C’est mon vice, chacun le sien après tout.

 

A chaque fois, le même déroulement presque rituel : tu arrives, tu poses ta bouteille de rouge sur la table, où tu t’aperçois que tu n’as pas été le seul à avoir cette idée géniale (amener une bouteille). Parce que tout le sublime de l’asado réside dans l’attente : il monte en puissance avec le temps pour atteindre au final le seuil mystique dont je vous causais tout à l’heure. Il faut deux ou trois bonnes heures de cuisson à la braise, selon les morceaux, truc intéressant à savoir. Par conséquent, après avoir posé ta bouteille sur la table du jardin, tu t’assois mollement à une distance respectable du foyer (où seuls les initiés ont le droit de bosser, faut pas déconner). Tu allumes une petite cigarette-à-80-centimes-d’euros le-paquet (gnark gnark !), tu te sers un coup de pif, tu papotes avec ton ou tes voisin(s), et tu entres dans ce que Carl Jung appelait la « Phase de Pré-Asado » (PPA). Au cours de cette phase, le temps se déroule différemment : tu sais que tu vas te goinfrer dans un futur proche, mais ça ne t’obsède pas, tu restes serein car tu disposes d’un stock conséquent de cigarettes-à-80-centimes-d’euro-le-paquet (re-gnark) et de bouteilles de pif. D’où l’importance, comme toujours, d’assurer ses arrières : rien de pire qu’une panne sèche en PPA. Puis le temps passe, et survient un changement discret mais certain dans l’atmosphère : les premiers morceaux commencent à être cuits.

 

Le Grand Maître de l’Asado arrive avec un plat rempli en général de chorizitos, sortes de petits boudins/andouilles. Ce n’est certes qu’un début et que de la viande de bas étage (du cochon ? pouah !), mais cela n’empêche pas le Grand Maître de l’Asado d’être immédiatement entouré d’une meute de chiens affamés qui viennent de se rappeler qu’ils étaient venus pour manger des grillades. Les chorizitos partent en général en 2 minutes 52 secondes, temps moyen sur la période 2006 – 2008, pour la Province de Mendoza. Du coup, tu commences à avoir une bonne grosse dalle et une envie irrépressible de plonger dans les braises pour t’empiffrer. Heureusement, un camarade est là pour t’en empêcher, et de toute façon le reste ne tarde pas à arriver. Le roi de la soirée est enfin là : le bon gros bœuf des familles. Et comme le disait Juan Perón : « le mec qui a jamais goûté ce truc de ouf peut pas savoir c’que c’est ». J’approuve entièrement Juanito dans cette réflexion : le bœuf qui arrive est grillé à cœur, mais a passé tellement de temps sur les braises qu’il fond comme un caramel mou. Un régal. Et quand je disais que l’asado monte en puissance au fur et à mesure que passe le temps, c’était pas des conneries : après le chorizito (simple mise en bouche), le bœuf qui arrive est de plus en plus grillé et de plus en plus savoureux. Ainsi, tu peux te remplir la panse avec du bonheur, jusqu’à ce que l’air te manque, ce qui est le signal de stop. Ensuite, il faut bien terminer ce qui avait été commencé : il reste des clopes et du rouge, autant les achever, dans une sérénité post-asadique que Confucius décrivait comme le stade le plus élevé de la conscience humaine. Avachi sur ta chaise en plastique, la tête levée vers les étoiles, le monde paraît un peu moins moche que d’habitude. Si c’est pas beau la vie…

 

LE HARD LOMO ROCK

 

         J’étais tranquillement accoudé au comptoir du Diego Maradona, café mendocino peu cher mais un peu craspec, sirotant ma tequila con leche tout en lisant l’Indépendantiste, rubrique « Sports », quand un vieil homme s’assit à côté de moi. Me saluant d’un mouvement de tête, il commanda la spécialité du bar (le Tout-à-l’égout, tequila/pastis/malibu/orange/liquide vaisselle/gin tonic), et plongea ses yeux dans  les miens. Il avait l’air des vieux gauchos qu’on ne voit plus que sur les livres d’images argentins, période « Eva Perón apprend à lire aux enfants ». Se saisissant de l’appétissant breuvage que le patron venait de déposer sur le zinc, il haussa légèrement les sourcils et me demanda d’une voix éraillée de cheminot licencié depuis la privatisation du train argentin (période « Carlos Menem convertit le pays au monde merveilleux de la libre concurrence ») : « Est-ce que tu connais le Hard Lomo Rock, petit ? ». Commença alors mon voyage vers l’incroyable.

 

Bon vous l’aurez deviné, ce paragraphe n’a absolument rien de véridique mais je me suis dit que ce n’était pas une raison pour ne pas l’écrire. En fait, j’ai atterri au Hard Lomo Rock par un hasard de bouche-à-oreilles merveilleux. Mon amie Mumu, autre rennaise expatriée par ici, en avait entendu parler par son proprio, qui lui-même connaissait le joueur d’harmonica qui devait jouer ce soir-là au Hard Lomo Rock avec le fameux groupe de reggae mendocino, la Banda Loca. Autant dire que c’était pas gagné d’avance. Mais bref, nous y voilà, moi, Simon, et Sophie, autre camarade rennaise en visite à Mendoza depuis la lointaine ville de Concepción, Chili. On arrive alors que le bar est presque vide, vers 22h30, du coup on en profite pour admirer la déco des lieux. Aux murs, des photos du jeune temps du patron, ancien rocker moustachu et grisonnant, calibre G. Brassens, et des dédicaces laissées par les clients, qui vont du « génial ce bar, y’a bien une raison si j’y passe ma vie » au « ce bar est béni par la sainte main de Jah Rastafari ». Autrement dit, je m’y sens déjà comme un poisson dans l’eau. Je n’ai pas de photos sous la main, évidemment, mais comme je pense être amené à retourner à ce bar, j’y remédierai prochainement.

 

Le bar se remplit doucettement, on commande des trucs bizarres, genre une vodka orange qui pétille, mais ça passe bien. Devant nous, une petite estrade remplie d’instruments qui me laissent présager un bon moment : guitares/basse/batterie, stand de timbales et bongos, trompette, trombone, clavier, et bien sûr l’harmonica sans lequel je n’aurais jamais été là ce soir. Mais de musiciens, point. Renseignement est pris auprès de Georges Brassens : ils devraient commencer d’ici une heure. On a le temps, d’autant que les délais mendocinos sont par définition extensibles. Les gens arrivent, parmi eux Mumu et ses colocs, ainsi que le camarade François (alias Pancho le Téméraire) dont je vous reparlerai un peu plus tard. La Banda Loca monte sur scène, et nous délivre son reggae. Avouons-le tout de suite, ça casse pas des briques, pas plus que trois pattes à un canard, et ça aurait pu mériter le qualificatif de « reggae franchouillard » s’il était chanté dans la bonne langue. Rien à voir avec les psychopathes de « 2bajo0 Jazz Cuyano », dont je ne sais même plus si je vous en ai parlé mais qui en tout état de cause étaient ultra-bons (pour les curieux cherchez leur nom sur internet ça vaut le coup, surtout si vous trouvez des vidéos live). Mais le son est plutôt propre et y’a de la joie de jouer, alors ne faisons pas nos puristes chiants : le concert est bon. Le fameux joueur d’harmonica est d’ailleurs la star du groupe, en donne un véritable one-man-show. Après une bonne heure de set, le groupe quitte la scène sous les applaudissements du bar qui, pour le coup, s’est sacrément bien rempli entre temps. Il doit être environ 2h du matin, et la soirée ne fait que commencer.

 

De bière en bière, on discute avec La Moustache, qui finira d’ailleurs par payer sa bouteille, puis avec les musiciens du groupe. Sophie se fait même gracieusement offrir une maquette, au design plutôt ancienne école (type Trio Grande pour les initiés) mais sympatoche ; et puis finalement le bar décolle, un bœuf s’installe sur scène, on enchaîne les discussions. Les petits français sont l’attraction dans ce bar d’habitués (un vieux me dit même : « vous êtes les français ? La rumeur parle de vous ! »). Et ouais, quand on passe par un bar on crée l’évènement, c’est à chaque fois pareil, que voulez-vous. Le temps d’une discussion avec un gros nounours barbu et batteur (accessoirement très bon), et j’essaie de prendre mon tour derrière la batterie ; malheureusement, la scène est un peu squattée par un groupe de potes qui veulent pas lâcher les instrus. Au bout de 3 demandes infructueuses, je me fais une raison et je retourne au comptoir où une grosse chilienne d’une cinquantaine d’années commence à me raconter sa vie et à me poser des questions sur la mienne ; elle est très sympa, et accompagnée de son mari (un chevelu de Buenos Aires) et de son gamin de cinq ans (pourquoi pas après tout). A peine le temps de recommander une petite bière, histoire de, et un coup d’œil à la pendule m’apprend qu’il est déjà 6h du matin. Ah bon. Moustache me rassure : le bar est ouvert « jusqu’à ce que le soleil se lève ». Il ne se foutait pas de ma gueule, vu qu’à 7h, quand on lève le camp, le bar est encore en activité. Le temps d’appeler un taxi et de persuader Martín, un argentin très saoul et très affectueux, que rentrer en taxi au lieu de se faire conduire par ses soins ne diminue en rien l’estime qu’on lui porte, et nous quittons les lieux direction la maison. Adieu, Hard Lomo Rock, mais ce fut une découverte qui méritera sans aucun doute d’être approfondie. Arrivés à la maison, le soleil se lève sur Godoy Cruz (ça claque comme phrase dis-donc) et Simon part lâchement se coucher ; on reste donc à se faire un petit maté. 8h à l’horloge de la cuisine, cette fois il va falloir aller au lit…


DES AVENTURIERS DE L’EXTREME : LES ANDANAS JONES

 

Après cette virée au Hard Lomo, et son improbable heure de coucher, vous vous douterez que la journée du lendemain (le samedi d’il y a une semaine) n’a pas été très active. Pas grand-chose à raconter à part signaler que j’aurais approché le record lapon du plus petit nombre d’heures de lumière solaire dans une journée : lever 17h30, coucher du soleil deux heures plus tard. Yes I. Le soir, Nuria (alias Madame Simon) passe pour constater l’étendue des dégâts (elle n’était pas au bar la veille, pauvre d’elle), et traîne Simon et Sophie à un autre concert de reggae ; personnellement, je déclare forfait. Je rate pas grand-chose, il était plutôt tout pourri apparemment.

 

En revanche, le lendemain, nous nous armons de courage et nous partons avec Sophie, Simon et le fameux Pancho le Téméraire à la conquête des Andes, ou plutôt de la « pré-cordillère ». Pour un peso et dix centavos, le bus nous amène à l’extérieur de la ville, à une immense église, format « centre commercial » qui fleure bon le pognon évangéliste. Mais on s’en cogne, on lui tourne le dos et on commence la Longue Marche. Pancho est notre guide, il a déjà expérimenté le terrain deux semaines auparavant. Il s’avèrera qu’en dépit de ses nombreuses autres qualités, Pancho n’est pas un très bon guide, puisqu’on a passé presque tout le voyage hors des sentiers de marche habituels. Ceci dit, ce détour par la nature sauvage, la vraie, nous aura permis de faire connaissance avec la campagne de Mendoza dans ses grandes largeurs. Pour résumer : un soleil déjà bien fort pour un début de printemps, des broussailles partout et surtout, des gros cactus qui défouraillent leur maman. Attention, on ne parle pas ici du cactus d’appartement que l’on cultive paisiblement sur le rebord de sa fenêtre. Non, ici le cactus est sauvage, gros, et ses épines sont assez solides et longues pour te transpercer la semelle et le pied ensuite. Et là où ça devient drôle, c’est que les piqûres (inévitables en marchant sur ce non-chemin vaillamment ouvert par François) s’accompagnent d’une douleur musculaire qui laisse penser que les épines t’injectent en bonus un petit poison. Rien de bien méchant, au bout de deux jours la douleur avait disparu, mais ça faisait quand même mal. Après une bonne marche dans la broussaille, on arrive au pied des premiers cerros (grosse colline), que nous escaladons avec tout le courage qu’il reste dans nos chaussettes transpercées. Après une bonne demi-heure d’ascension bien rude, parfois à pic, nous y voilà ! La souffrance a payé une fois de plus, et quatre guerriers de l’impossible émergent au sommet de la dernière montée pour contempler une vue imprenable de la pré-cordillère dans le soleil de la fin d’après-midi. Pour ceux qui voient de quoi je parle, ça ressemble un peu au moment où Petit-Pied et ses amis arrivent enfin à la Grande Vallée dans le Petit Dinosaure (le premier, de loin le meilleur de la série). Enfin c’est un peu moins verdoyant mais l’esprit est là. On se retourne, et Mendoza s’étale en contrebas ; c’est moins beau, il faut bien le dire. On est quand même bien content d’en être arrivés là. Une pause bien méritée, histoire de communier un peu avec Jah Rastafari, et nous voilà repartis. Le retour sera plutôt tranquille, quoique piquant lui aussi, mais seulement au début : ensuite on est passés par le lit d’une rivière à sec qui nous ramenait pas loin de l’énorme Super-U de Jésus. Nous voilà de retour, sains et saufs. Je précise qu’une vidéo est sur le point d’être publiée pour raconter en image ce voyage aux mille dangers : restez connectés !

 

Sinon, on devait aller passer la fête nationale chilienne Plaza Chile jeudi soir, mais la pluie nous en a dissuadés, du coup ça s'est terminé chez nous, soirée bien riante encore une fois. Et là, je reviens actuellement d’une soirée au Casino de Mendoza où le proprio de Mumu (le même qui connaissait le joueur d’harmonica au Hard Lomo, oui), guitariste-chanteur de son état, donnait un petit concert. Du coup, j’ai testé la roulette (perdu 4 euros), le black jack (20 euros) et le pari à la con sur des courses de chevaux virtuelles (2 euros et des bananes). Je tiens à préciser qu’avant de tout perdre, j’étais passé par des moments où j’étais bénéficiaire ; et comme je suis un gentil pigeon de casino, j’ai tout rejoué jusqu’à tout perdre. Promis la prochaine fois je ferais attention ! Mais la soirée était bien riante, dans tous les cas. Sophie est rentrée au Chili depuis ce matin, on peut enfin recommencer à vivre comme des gros dégueulasses, ça fait du bien. Sur ce, je vous laisse, bien que j’aurais aimé détailler un peu plus mes aventures. Mais que voulez-vous, le temps manque et je suis obligé de faire court. Dans quel monde vit-on, je vous le demande… Beaucoup de bisoux, à une prochaine !

 

 

PS : après une finale à grand spectacle contre « La Schtroumphette », « Bagheera » a gagné le concours de nom destiné à baptiser notre moto. Notre monture s’appelle donc Bagheera, alias la panthère bleue. Merci à Valou pour cette inspiration de génie !

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J
...arriverai-je un jour à parler du riz cantonais avec tant d'emphase? :) bel exercice de style, bonne continuation à vous deux en tout cas!
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P
je vous attends a buenos aires avec simon, une seule chambre a partager mais bon, on doit pouvoir s'arranger
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S
Superbe description de l'asado ! Tu es plein dedans...Qu'est-ce que c'est booon...
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T
j'ai pas commencé à lire parce que c'est long... Je suis allé direct en bas de la page pour mettre un commentaire et lire la fin de l'histoire. Voilà qui est fait. Je regarderai le blog de simon pour avoir le sinopsis de tout ce que tu as dit (arf gnark !)
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V
Un samedi matin, à Angers ou plutot ste Gennes, en direct de chez le gros Gemois, une petite pensée pour ton blog, pour info la soirée d'hier a été très dure, je me suis réveillée avec Valentin (sans commentaires merci!!) il est 3h de l'après midi ici et je suis encore bourrée, mais ton article me donne vraiment envie d'arriver le plus vite possible dans cette charmante ville de Mendoza pour exporter du vin!! Tout le mo,nde te fait un gros bisou et moi avec, à très bientôt j'epère!!
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