L’été indien – épisode 2 : Perdido en el corazón de la grande Babilón

Publié le par Tisto

« Previously on L’été indien :

 

            Dans l’épisode précédent, Hélène et Baptiste avaient quitté l’Argentine pour la Bolivie, terre de mystères et de lamas idiots. Après un long trajet dans le nord argentin et une féroce bataille pour un sandwich lomo-salade, ils avaient enfin réussi à franchir la frontière, arrivant ainsi dans la riante ville de Villazón. De là, ils avaient rejoint Tupiza, d’où partait une expédition pour le Salar d’Uyuni et la région environnante. En compagnie de trois autres comparses, sans compter les camarades de l’équipe germano-anglo-australienne, ils avaient parcouru ce désert andin durant 4 jours et 4 nuits, menés par Javier (alias le Culbuto). A la fin de ces quatre journées mémorables, le Culbuto les avait laissés à Uyuni, ville-fantôme genre Lucky Luke, où nos héros s’apprêtaient à prendre le bus pour La Paz… »

 


 

Assis sur nos sacs à dos dans cette rue poussiéreuse et bruyante (la rue des bus, forcément), nous ne savions pas encore ce qui nous attendait lors de ce voyage vers La Paz. Autant vous le dire tout de suite : c’a été horrible. Mais comme le dit Romain Duris (et cette fois c’est vrai !) dans l’Auberge Espagnole : « c’est toujours les expériences les plus foirées qui nous font le plus marrer rétrospectivement », ou quelque chose d’approchant. C’est tellement vrai… Mais avant de commencer, il faut savoir que les bus latino-américains se divisent en quatre grandes catégories de confort (et donc de prix).

 

« Ejecutivo » : la grande classe, avec hôtesses de l’air de bus, et repas comestible. Inaccessible.

« Cama » : pas mal la classe aussi, avec siège large et inclinable à presque 180°. Couvertures en option, repas souvent présent.

« Semi-cama » : siège étroit et inclinable, repas éventuel, toujours composé de variations sur le thème « pain de mie/jambon/fromage en plastique ».

« Común » : aussi appelée « Catégorie Que Dalle » ou « La 4e Classe ». Rend hommage à son nom.

 

Il va sans dire que notre bus s’inscrit dans la dernière catégorie, avec tout de même un siège légèrement inclinable. Pour le reste, c’est une sorte de boîte à savon, principalement composée de quatre plaques de tôle et d’un volant. Evidemment, il y a des gens en trop qui débordent dans le couloir et évidemment, la route est « secondaire » et « non-revêtue ». Derrière nous, une mémé bolivienne qui a décidé unilatéralement qu’Hélène (assise juste devant elle) n’aura pas le droit d’incliner son siège. Malgré l’ouverture de négociations, la vieille peau ne veut rien savoir et continue de geindre dès que le dossier d’Hélène s’abaisse de quelques millimètres. Sans doute vexée  qu’on ait osé remettre en cause son droit d’ancêtre, je la soupçonne d’avoir ordonné à sa petite fille (derrière moi) de se venger en foutant des coups de pied dans mon fauteuil, ce que la petite s’empresse de faire avec une dévotion frisant l’excès de zèle. Là encore, notre tentative de réconciliation à l’amiable se heurte à un mur de mauvaise foi qui donne envie d’adhérer au slogan lancé par les Guignols (« Envie de vous détendre ? Frappez un vieux ! »). Plus que 12h de trajet, chouette. Je rappelle pour resituer le contexte historique que nous nous étions levés à 5h le matin. Celles et ceux qui ont la chance de m’avoir déjà vu (voire parlé) au réveil ou dans tout autre état de manque de sommeil aggravé peuvent donc avoir une idée du niveau de courtoisie qui était le mien à ce moment-là. La vieille ne sait pas qu’elle ne doit qu’à mon exceptionnel savoir-vivre de ne pas s’être retrouvée défenestrée en plein milieu de l’altiplano. On est gentleman ou on ne l’est pas. Je précise également qu’Hélène, pourtant amie universelle du genre humain (je le rappelle), m’avoua plus tard des pulsions homicides du même acabit lors de cette nuit des longs couteaux.

 

Bref, malgré l’inconfort de mon siège plein de poussière, la harpie de derrière et sa petite-fille démoniaque, je parviens à somnoler entre deux cahots. Mais sur le coup d’une heure du matin, je suis réveillé par un fait étrange : le bus a arrêté de faire des cahots. Glurps. Entrouvrant l’œil droit, je constate que le paysage a cessé de défiler. N’écoutant que mon infaillible sens de la logique, j’en tire rapidement la conclusion que nous sommes arrêtés. Hélène m’apprend que le chauffeur est descendu depuis une bonne demi-heure et n’est pas revenu ; notre situation géographique avoisine le néant absolu. Re-glurps. Une autre demi-heure passe dans une atmosphère type « Crise des Missiles », ponctuée par les commentaires avisés des autres passagers : « Il [le chauffeur] doit être en train de picoler », « il va conduire bourré », « on va tous mourir », et autres joyeusetés. En entendant ces paroles pleines de réconfort nous revient en mémoire l’histoire racontée à Uyuni par un français fou mais rigolo, qui nous avait expliqué comment son bus (sur le même trajet) avait du contraindre le chauffeur à décuver deux heures après des écarts de route monstrueux. Triple glurps. Au bout d’une troisième demi-heure sentant de plus en plus la transpiration et la contraction fessière, Hélène descend pour voir ce que fout ce #### de chauffeur. Celui-ci n’était finalement pas en train de picoler, Jah en soit remercié, mais personne ne peut dire combien de temps il serait resté à papoter avec ses potes dans cette baraque à frites au milieu de nulle part, si Hélène n’était pas venue le chercher. Toujours est-il que grâce aux injonctions de ma camarade de voyage, le garçon remonte à son volant sous les hourras de la foule.

 

Nous voilà donc repartis. Mais il n’était pas dit que nous étions au bout de notre chemin de croix, oh non. Nous avions réservés un bus marqué « Direct La Paz », après nous être assurés auprès de l’avenante préposée de la compagnie que ce bus, conformément à son A.O.C., nous conduirait bien directement jusqu’à La Paz. Ladite préposée nous ayant confirmé que l’itinéraire de ce bus était direct, et étant donné mon passif personnel avec les bus et leurs destinations, ce qui survint ensuite était inévitable.

 

J’étais donc en train de tenter vainement de me rendormir. Au 782ème mouton compté, alors que je commençais à douter de la pertinence de cet exercice de sommeil, le bus s’arrête une nouvelle fois. C’est à peine croyable. Des gens commencent à descendre ; me retenant de commettre un meurtre de masse, je descends moi aussi pour m’enquérir – très diplomatiquement, je vous le promets – du pourquoi du comment auprès du chauffeur. Celui-ci me répond, vous l’aviez deviné, que « les voyageurs pour La Paz doivent changer de bus ». Par un effort de lucidité exceptionnel, je parviens à ne pas entamer un débat sémantique pourtant potentiellement passionnant sur le sens du mot « direct » et demande – toujours poliment – où nous sommes censés prendre ce nouveau bus pour La Paz, avant de remonter annoncer la bonne nouvelle à Hélène.

 

L’être humain dispose de ressources mentales et physiques insoupçonnées. Malgré le lever à 5h du matin, l’attente pendant toute l’après-midi, la crise du dossier inclinable avec la vieille et son infâme gamine et les arrêts inopinés au milieu du néant, nous trouvons la force de rassembler nos sacs, de descendre du bus dans un froid à décorner Cécilia Sarkozy, et de traverser le riant terminal de bus d’Oruro qui – en cette heure tardive – manquait un peu d’activité, il faut le dire. Après avoir effectué un vrai travail de recoupe des informations (obligatoire quand trois sources différentes vous indiquent trois endroits distincts pour prendre un même bus), et lâché 3 bolivianos de « taxe de terminal », nous trouvons enfin la bonne plateforme et le bus qui va avec. Alléluia. Celui-ci est plus confortable, et on peut y incliner son siège sans provoquer de choc des civilisations. Inutile de dire que nous pionçons d’un sommeil net et sans bavures jusqu’au terminal de La Paz.

 

 

Arrivée à La Paz au petit matin gris, avec une sensation partagée d’avoir la tête dans le fondement (pour parler crûment). Comme des zombies, nous déchargeons les sacs, et nous descendons l’avenue Montes vers l’auberge que nous avions repérée auparavant. C’est le premier contact avec la ville, mais vu mon état je n’en retiens pas grand-chose, si ce n’est que ça fait beaucoup de bruit. Arrivés à l’auberge El Solario, il reste des places. Trop d’la balle. Nous entrons dans un cube pourvu de deux lits mais sans fenêtres. Le temps de dire « pouit » et nous finissons notre nuit, dans un lit qui prend pour le coup des airs de baldaquin Grand Siècle. Au réveil, on peut dire que ça va beaucoup mieux. La curiosité et une faim atroce nous font sortir de notre refuge, afin d’aller saluer La Paz. A savoir : la Bolivie a un peu de mal à savoir quelle est sa capitale. Théoriquement, c’est la ville de Sucre, dont l’appellation officielle est « Capitale Constitutionnelle », mais comme La Paz abrite le siège du gouvernement, le parlement et la Banque Centrale de Bolivie, on est en droit de se poser quelques questions. En plus, il paraît que Sucre fait beaucoup moins « capitale » que La Paz, genre c’est joli-mignon-tout-plein, mais pas très dynamique. Bref, je dirais que Sucre n’a de capitale que le nom, et que La Paz est la vraie 1e ville du pays.

 

 

Mais tout cela ne nous dit pas l’essentiel : La Paz, c’est comment ? Eh bien une fois encore, ça va être difficile à rendre avec des mots, surtout si on n’est pas Baudelaire. Disons que La Paz, c’est Valparaíso en plus dark et sans la mer. Hmm. Je sens que vous êtes bien avancés, là. Euh… disons alors que La Paz c’est la ville la plus punk que je connaisse. Déjà, elle est située dans une cuvette au milieu des montagnes, ce qui fait qu’on y circule entre 3200 et 3800m d’altitude, ce qui n’est pas rien. D’autant qu’à cette altitude, les 600m de dénivelé tu les sens passer sévère. Et contrairement à ce qui se fait d’habitude, les pauvres habitent en haut et les riches en bas, au fond de la cuvette. Ben oui, en haut il faut déjà y monter, et puis y’a plein de courants d’air glacés, bref c’est la misère. Du coup les riches restent au chaud dans les quartiers du bas, même si ça leur fait bouffer de plein fouet la pollution (la Bolivie ne s’est pas encore mise au pot catalytique, c’est peu de le dire). Voilà pour le décor général. Si on zoome un peu, La Paz c’est un dédale de rues pavées et en pente, avec au moins une dizaine de grands marchés qui vendent absolument de tout, du gel douche aux bijoux en passant par les oranges et la viande. Les trottoirs sont blindés de gens jusqu’à tard, et une foule de minibus sillonne les rues de la ville, avec chacun un « crieur », dont le boulot est effectivement de te pulvériser les oreilles en hurlant par la fenêtre les destinations du minibus. Je vous laisse imaginer le bordel que ça peut faire quand tu en as trois ou quatre en même temps dans la même rue… Notre hôtel est situé dans un quartier touristique mais vraiment sympa, animé, avec cent mille petits restos, bars, vendeurs d’artisanat… Juste en bas de notre rue, la Plaza San Francisco, la cathédrale (que nous n’avons jamais pu visiter) et le marché en plein air. Et au milieu de cette ville tentaculaire, deux aventuriers hors du commun, bien décidés à en découdre avec les profondeurs de cet endroit qui n’a de pacifique que le nom. Mouahahah…

 

 

En sortant de notre hôtel, en ce matin de décembre, nous sommes surpris par une averse qui semblait guetter notre sortie pour commencer. Malins comme le renard, on ne se laisse pas faire et on rentre dans un fast-food « Pollo Rey ». On pourrait traduire ça par « le Roi du Poulet », oui, comme Gérard Bourgoin, un des plus grands poulets français de tous les temps soit dit en passant. Le poulet-frites est à un euro quarante, je ricane doucement. En sortant, la pluie a disparu, preuve de notre bénédiction par la Pachamama. Direction le Musée des Instruments de Musique (tiens, ça fait presque UIMM) recommandé par notre ami de toujours, le Guide du Routard. Tiens, pendant que j’y pense : on a beau chier sur le Routard, il est pratique. Bon, des fois il indique des trucs qui n’existent plus depuis cinq ans, d’autres fois il se plante carrément dans les prix ou les horaires, mais bon : le boulot n’est pas facile non plus. Bref, merci quand même au Routard malgré ses instants de perdition. Pour en revenir à notre musée, il est de ceux qui justifient ma foi dans M. Routard : l’exposition va de la conque la plus préhistorique à l’orgue de barbarie, de la guitare électrique blues à la flûte de pan, en passant par toute une flopée de trucs bizarres et rigolos, des instruments quechuas, aymaras, bref le panard. Dans la série « ça sert à rien mais c’est marrant », une guitare à cinq manches (en forme d’étoile donc) trône dans une vitrine, invention du proprio du musée. Mais même si la guitare à cinq manches n’a pas plus d’utilité que le mouton à cinq pattes, elle me fait bien marrer. Et puis ce même proprio est un malin : il a mis en libre utilisation quelques instruments comme le bouteillophone, la percussion guatémaltèque en carapace de tortue ou encore un orgue un peu essoufflé mais sympathique. A la sortie, des instruments sont en vente et les charangos (toute petite guitare andine à 5x2 cordes) me font de l’œil, mais je ne cède pas. Pour l’instant…

 

Retour dans une petite rue pavée qui ferait se croire à Montmartre, Hélène avise un café qui a l’air chouette. Excellent flair, d’autant que la radio est branchée sur une station dont je ne me rappelle plus le nom, mais au DJ exceptionnellement avisé : le temps d’un café nous avons droit à un medley des plus audacieux, avec pêle-mêle Roxane (Police), Barbie Girl (Aqua), Hotel California (The Eagles) et j’en passe et des meilleures.

 

Ensuite, petite session shopping, première d’une longue série. Pas des séances d’essayage chez H&M, je vous rassure, mais de la flânerie-tripotage de marchandises dans le quartier de notre auberge. Tous les magasins vendent plus ou moins la même chose : tissus colorés, chapeaux, vêtements en laine, articles en cuir et tout le bazar, mais peu importe. Dans une des boutiques, après une bonne demi-heure de valse-hésitation d’Hélène à propos d’un sac à main en cuir – magnifique il est vrai, le Père Noël intervient en express pour le lui offrir. D’aucuns prétendent que le magasin était étroit, suffocant et que le Père Noël commençait à se prendre la suée avec les hésitations de la demoiselle, mais ce sont de mauvaises langues. Toujours est-il que nous ressortons accompagnés du sac à main, indéniablement nécessaire à une jeune fille dans le vent et soucieuse d’apporter une touche d’authenticité à son apparence.

 

Le temps de poursuivre un peu nos flâneries, de tripoter un charango dans un magasin, et il fait déjà nuit. La Paz change d’ambiance. La ville devient plus incertaine, mais certainement pas moins agitée. Une faim de chacals nous fait pousser la porte du resto à une heure de suédois, mais la journée a été dure. En même temps, celui qui mange à des horaires de suédois à La Paz a au moins l’avantage d’avoir un resto vide pour lui tout seul. Découverte du pique a lo macho, plat bolivien composé de petits bouts de viande frite, d’oignons, frites, olives et autres tomates séchées, pas mal du tout. En tout cas t’as plus faim après. L’estomac plein, nous regagnons l’hôtel. Il fait sommeil.

 

 

Le lendemain matin, on engage un tour des lieux de pouvoir de La Paz : palais présidentiel, palais législatif, pouvoir judiciaire, dans le centre colonial autour de la Plaza Murillo. Cette place est d’ailleurs le pire repaire à pigeons que j’aie jamais vu de ma vie : un océan de plumes cradingues et de pattes goudronnées recouvre le sol, beuark. Et c’est là qu’on se rend compte que la Bolivie a tout de même le privilège d’héberger en quantité les deux animaux les plus stupides de la création : le pigeon et le lama. Quelle chance. Réfrénant mon envie de d’expliquer le fond de ma pensée aux gamins qui nourrissent ces sales bêtes, je fais le tour de la place. Pour un pays confronté à des menaces séparatistes paramilitaires et aussi profondément clivé, le palais présidentiel me paraît exceptionnellement peu défendu, avec à peine une paire de flics devant la porte principale. Mais les régions andines, dont celle de La Paz, sont celles acquises en grande majorité à ce bon gros Evo : depuis le début du voyage, nous n’avons croisé quasiment que des tags, inscriptions et affiches en sa faveur, très peu contre lui ; et Dieu sait que les murs en sont couverts.

 

Quittant le quartier colonial, nous partons pour l’ascension d’un escalier particulièrement rude qui serpente au milieu d’un quartier tout en brique. A cette altitude, chaque marche est un petit supplice, mais une fois arrivés en haut, la vue est tout simplement incroyable : autour de nous, un enchevêtrement de toits en tôle, de briques et fils à linge divers et variés, et au-delà, le reste de la ville de La Paz, étalée au fond de sa cuvette montagneuse, avec sur la droite l’arrivée d’un essaim de nuages gris acier. Plutôt surnaturel.

 

 

Après être redescendu du toit du monde, nous repartons vers notre quartier où se trouve le « Marché des Sorcières », dans une rue voisine de notre hôtel. Pas vraiment de vraies sorcières, simplement une profusion de stands vendant du métaphysique : figurines de la Pachamama en pierre, talismans-crapauds pour la richesse, et surtout le fameux fœtus de lama séché, porte-bonheur préféré des boliviens. Avec Hélène on a trouvé ça plutôt vomitif, mais bon « les goûts et les couleurs », hein… Mais tout cela dégage une odeur certaine d’attrape-touriste en mal de sensations mystiques. On bouge.

 

 

En poursuivant la balade, changement de quartier et nouveau marché, cette fois-ci « authentique ». Je mets des guillemets parce que je trouve ce mot très compliqué à utiliser, en voyage. Qu’est-ce qui est authentique, au fond ? Même un vendeur de Pachamamas en plastique à 10$ fait partie du décor, au fond. Je ne sais plus qui, avant que je parte en Bolivie, m’avait dit « ah ouais nan mais la Bolivie tu vois faut y aller, c’est ça la vraie Amérique Latine ». Mouarf. Il ne me semble pas que c’est parce que les gens sont plus indiens, s’habillent avec plein de couleurs et mangent de la quinoa qu’on est « plus » en Amérique Latine si on se balade dans l’Altiplano bolivien qu’à Buenos Aires. Une région aussi vaste, forcément y’a du contraste entre les régions. Imaginez qu’on est en « Amérique Latine » de la Patagonie jusqu’au nord du Mexique, ça laisse rêveur… Alors bon, effectivement, les décors boliviens correspondent plus aux images qu’on a tous dans la tête en tant qu’européens, grâce aux documentaires sur Manu Chao et à Tintin et le Temple du Soleil. De là à parler d’authenticité, à vous de voir…

 

Mais j’en étais à notre deuxième marché, le Mercado Buenos Aires (du nom de sa rue principale). Ce coup-ci, très peu de touristes à part nous deux : ce marché est fait par et pour les boliviens (qui, étrangement, achètent assez peu de Pachamamas en plastique). Surtout de l’alimentaire sur les étals : des nouilles dans des grands sacs de jute où on se sert à la truelle, des pastèques, des ananas, des légumes plus ou moins flétris, de la viande plus ou moins fraîche. A un moment, mon naseau me prévient d’une odeur familière et pas humée depuis longtemps. Je tourne la tête : aaaaah ! Un étalage de fromages ! Mais étant donné qu’ils ont l’air d’avoir passé (au moins) la journée dehors, au soleil, on préfère ne pas tenter le coup. Mais du coup je meurs d’envie d’un camembert au lait cru, fondant, sur une baguette fraîche… Pauvre de moi. Je m’éloigne à regret du stand. Dans les rues de ce quartier, encore une avalanche de petits gamins aux yeux immenses, de grand-mères à chapeau melon, de chiens errants et de flaques d’eau sale.


 

 

 Et ces p****** de rues qui n’arrêtent pas de monter et de descendre ! Heureusement, on commence à être un peu habitués à l’altitude. Seulement maintenant, il faut ajouter le problème de la pollution. Je plains mes poumons. En fin d’après-midi, je finis – à la surprise générale – par craquer pour un charango dans un petit magasin de musique. L’instrument, la méthode et la housse trop flex et pleine de couleurs : 35 euros, oui Maryse ! Je dis ok, et me voilà papa d’Ignacio le charango, cinquante centimètres et dix cordes. Après coup, je pense que c’est de la compensation : n’ayant pas pu kidnapper un bébé bolivien, je me suis rabattu sur Ignacio. Cristina (ma guitare) a maintenant un petit frère, si c’est pas chouette la vie !

 

Le soir venu, sortie dans un petit resto à la décoration surchargée mais très sympa : collection d’horloges de grand-mère, de cuillères en étain, instruments de musique, machins bizarroïdes, trucs non-identifiés et autres bidules étranges… Folie des folies : on se prend une bouteille de vin ! Coucher vers au moins 23h : c’est la nouba des grands soirs. Extinction des feux ; l’idée me vient que si le monde est pourri, la vie, elle, est belle.

 

Pour notre troisième et dernier jour à La Paz, nous partons visiter le quartier de Sopocachi, dans le sud de la ville. Et là, c’est le choc : on m’a volé ma La Paz ! Ben oui, une fois descendue la grosse avenue Santa Cruz, le quartier alterne entre immeubles modernes et moches, et grandes maisons proprettes. Certains endroits sont jolis, mais alors plus rien à voir avec tout ce dont je vous causais précédemment. Quand on parle d’authenticité et de contrastes… Ce La Paz est propre, presque calme… pas de vendeurs de trucs idiots sur les trottoirs, mais le siège d’HSBC et l’hôtel Ritz. Les seuls indiens qu’on aperçoit sont les cireurs de chaussure et les rares teneurs de kiosques. Et puis les magasins ne ciblent pas le même public non plus : à partir d’une certaine hauteur sur l’avenue, on commence à avoir des boutiques de fringues et de pompes chères, des restos classe, etc. Un autre monde, pour résumer. Heureusement, nous découvrons par hasard un autre superbe point de vue sur la ville, qui est aussi impressionnante que la veille, vue de haut.

 

 

Le retour dans notre bon vieux quartier le soir fait du bien. On commence à avoir nos petites habitudes et à se sentir presque chez nous alors que ça fait finalement que trois jours qu’on est ici. Ça me fait pas ça souvent, pourtant. Et pourtant il faut déjà partir, dès le lendemain matin, direction Copacabana puis l’Isla del Sol, sur le Titicaca. Mais je garde La Paz dans un coin de ma tête, avec l’idée que j’en ai pas fini avec cette ville, malgré la pluie, l’altitude, la pauvreté et la bière insipide. La Paz, c’est punk. La Paz, i’ll be back…

 

 

 

 

 

A suivre…

 

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C
c'est vachement bizard les bidons ville
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P
et quand je pense que le meilleur luthier pour les charangos et autres roncocos est en argentine<br /> il s'appelle Pablor Richter<br /> son site :<br /> http://www.charangos.com.ar
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P
Hey l'ami.<br /> Ca a l'air de bien le faire dis donc les ptits voyages en Amerique Latine, a la recherche de l'authenticité. <br /> Purée ça va en faire des choses a se raconter.<br /> Je tiens fanchement a te congratuler, mon cher Tisto, pour cet effort re-mar-quable de rédaction qui a pour effet de franchement me poser des questions quant a mon prochain article... va falloir sérıeusement que je me botte les fesses.<br /> <br /> Ben la grooosse bise a vous deux, et a Simon si tu le vois. <br /> Et kiffe un max.
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P
Ouiiiiiii !!! J'ai fini de lire l'article ! Mouhahaha !<br /> En revanche, je suis tombé en panne sèche devant celui d'Hélène: elle nous a servi un espèce de Kouignhaman aux proportions doublées en beurre, j'ai peur de m'y attaquer.<br /> Bon, La Paz, c'est fait, et ça avait l'air rigolo. Je suis curieux de savoir si tu arriveras à apprivoiser Ignacio pour la rentrée... 10 cordes quand même ! J'aurais plutot opté pour la guitare à 5 manches niveau difficulté, mais bon, tu as eu des petits bras sur ce coup là.
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L
très enchantée d'être la abuela de Christina y Ignacio<br /> on t'a expédié leur oncle il ya 1/4 d'heure - deux fils sur trois en Argentine, il est temps que j'arrive, non ?
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